Plusieurs enfants jouaient dans le jardin de Mme Dupuis ; il faisait beau temps, presque trop chaud.
Jacques, Louis, Nicolas et Jules se reposaient sur un banc. Jacques s'essuyait le front avec son mouchoir ; il avait bêché, arrosé, ratissé, et il se reposait en causant avec ses amis.
JACQUES. - Quelle chaleur il fait aujourd'hui ! c'est presque comme en été.
LOUIS. - Nous sommes bien près de l'été.
NICOLAS. - Non, puisque nous commençons le printemps.
LOUIS. - Eh bien ! est-ce que le printemps ne touche pas à l'été.
NICOLAS. - Oui, comme il touche à l'hiver.
JACQUES. - Ce n'est pas la même chose ; l'hiver est en arrière, et l'été est en avant ; la preuve, c'est que c'est demain le 1er avril.
JULES. - Le 1er avril demain ! je n'y pensais pas. C'est le jour des attrapes. Tâchons d'attraper quelqu'un.
JACQUES. - Pas moi d'abord. Je n'aime pas à tromper.
JULES. - Que tu es bête ! Ce n'est pas pour tout de bon ; c'est pour rire.
NICOLAS. - Je crois bien ! J'ai joué beaucoup de tours du 1er avril, très drôles et très innocents.
LOUIS. - Quels tours as-tu faits ?
NICOLAS. - Un jour, j'ai écrit à un vieux M. Poucque, ami de ma tante Dupont, qu'elle l'attendait pour dîner avec un missionnaire qui avait été martyrisé en Chine et qu'il désirait beaucoup connaître. Précisément, ce jour-là, 1er avril, ma tante dînait chez nous. Le vieux monsieur est arrivé en belle toilette ; il avait pris une voiture, parce qu'il pleuvait. Le portier lui dit que ma tante était sortie ; il veut monter pour l'attendre ; le portier assure qu'elle doit rentrer tard dans la soirée ; M. Poucque se fâche ; le portier se fâche aussi ; ils se disputent longtemps ; le monsieur monte, ne trouve personne ; la pluie tombait par torrents ; pas de voiture pour retourner chez lui ; le bonhomme est obligé de s'en aller à pied ; il rentre ruisselant d'eau et fort en colère ; son domestique était sorti ; pas de dîner ; il n'a que du pain et des confitures, et le lendemain il écrit à ma tante une lettre furieuse à laquelle elle ne comprend rien ; elle le prie de venir la voir ; il lui montre sa lettre d'invitation ; elle devine que c'est un tour qu'on lui a joué ; ils cherchent et ne trouvent pas le coupable (car j'avais fait copier ma lettre par un de mes camarades de collège, pour qu'on ne reconnût pas mon écriture).