Par une belle matinée du mois de juin, vers la fin du siècle dernier, un beau jeune homme s'avançait dans cette contrée admirable qui forme la base de l'Etna du côté de Catane, et qui, en raison de sa position, porte le nom de regióne piemontése. Il allait visiter le volcan gigantesque de la Sicile, et, comme ce n'était pas la première fois qu'il entreprenait cette excursion, il n'avait pas jugé nécessaire de se munir d'un guide surtout dans la partie riante et habitée qu'il parcourait et dont chaque sentier, chaque vallon couvert de fleurs et de fruits, chaque coteau tapissé de vignes, lui étaient devenus familiers dans ses fréquentes promenades. Il montait un beau et bon cheval qu'il laissa à Nicolosi, village d'un aspect assez sombre, bâti de laves et de basaltes, et servant de limite entre le pays enchanté que notre voyageur venait de franchir, et la région déserte et sauvage, qui s'élève rapidement vers la sommité de l'Etna. Après s'être reposé quelques heures et avoir loué une mule, la plus vigoureuse qu'il pût trouver dans le bourg, - et ce n'était pas beaucoup dire, - il repartit vers 5 heures de l'après-midi, déterminé à marcher toute la soirée et toute la nuit, afin d'arriver au cratère au lever du soleil et d'y contempler le plus magnifique spectacle de l'univers : toute la Sicile déployée en triangle sous ses pieds et baignée de l'immense mer, où la vue ne rencontre plus de bornes que du côté du détroit et des monts de la Calabre.
- Il me semble, mon bon Tricket, dis-je en interrompant le narrateur, que tu fais des phrases un peu longues.
- Elles ne le sont pas encore assez pour être à la mode, me répondit-il sans se déconcerter, et il continua.
Le voyageur eut un assaut à soutenir contre le babil de l'hôtesse de Nicolosi qui voulait l'engager à prendre un guide. « Sainte Vierge ! disait-elle, c'est une véritable folie que de vous engager ainsi tout seul dans ces bois où il est si facile de s'égarer que nos pâtres eux-mêmes s'y égarent tous les jours.