Misé Brun - Fanny REYBAUD

Chapitre 1.

La veille de la Fête-Dieu, en l'année 1780, toutes les maisons de la ville d'Aix étaient, selon l'ancien usage, splendidement illuminées et décorées. Des pots à feu, bariolés de fleurs de lis et d'écussons aux armes de Provence, étaient alignés sur toutes les fenêtres, et projetaient une lumière rougeâtre et fumeuse qui, se combinant avec les douces clartés de la lune, effaçait toutes les ombres et répandait jusqu'au fond des plus étroites ruelles une sorte de crépuscule. Les bourgeois et les gens de boutique se tenaient au balcon ou sur la porte de leur logis, tandis qu'une multitude curieuse se promenait par les beaux quartiers où l'on allait représenter la première scène du drame original et pieux inventé par le roi René. La foule se pressait aux carrefours et s'alignait le long des rues, pour voir passer la fantastique cavalcade où figuraient tout ensemble les divinités de l'Olympe, les saints personnages de l'Ancien Testament, et la caricature des ennemis politiques de René d'Anjou. Le cortège qui allait sortir aux flambeaux de l'hôtel de ville avait tout à fait le caractère d'une représentation du moyen âge ; les costumes étaient de ceux de la cour de René ; les chevaux, harnachés comme dans les anciens tournois, étaient montés par des chevaliers armés de pied en cap, et les musiciens jouaient encore sur leurs galoubets les airs notés par le roi troubadour.

Les rues qui aboutissent à l'hôtel de ville étaient envahies par le petit peuple, qui témoignait son impatience par ces acclamations aiguës, particulières à la race provençale. Cette partie de la ville était alors, comme aujourd'hui, habitée par les marchands et les gens de métier. Aussi, dans la foule un peu bruyante qui garnissait les fenêtres et faisait la haie le long des maisons, n'entendait-on guère parler français. La toilette des femmes était aussi fort modeste ; on n'apercevait dans leur coiffure ni plumes, ni fleurs, ni clinquant ; les plus élégantes se permettaient seulement de mettre un oeil de poudre sur leurs cheveux rattachés en chignon. La distinction des rangs était alors si rigoureusement marquée par le costume, qu'il suffisait de jeter un regard sur cette multitude pour s'assurer qu'il n'y avait là que des bourgeois et des artisans endimanchés.

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Misé Brun - Fanny REYBAUD

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Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.


{Editions altifagiennes}