Le tiède soleil de novembre,--le plus désagréable de nos mois canadiens,--jetait ses pâles rayons dans les rues et sur les maisons irrégulières de Montréal telle qu'elle existait en 176--, quelque temps après que le royal étendard de l'Angleterre eut remplacé sur nos remparts le drapeau aux fleurs-de-lys de la France.
Vers l'extrémité est de la rue Notre-Dame, qui était à cette époque le quartier aristocratique de la Cité, s'élevait une grande maison en pierre dont les innombrables petits carreaux réfléchissaient au loin la lumière du soleil. Sans nous astreindre à la cérémonieuse formalité de frapper au marteau, franchissons de suite la porte d'entrée surmontée d'un vitrail en forme d'éventail; puis, pénétrant à l'intérieur, faisons l'inspection du tout, et lions connaissance avec les personnes qui l'habitent.
Malgré le peu d'élévation des plafonds si justement incompatible avec nos idées modernes d'élégance et de confort, malgré les sculptures grossières et les dorures décolorées qui encadrent les portes et les fenêtres, malgré les architraves imités qui sont disposés le long des murs des différents appartements, il y a dans cette demeure une empreinte de richesse et d'élégance sur laquelle il n'est pas permis de faire doute.
L'éclat de magnifiques peintures, les cabinets parquetés à prix coûteux, les vases antiques et une foule d'autres objets d'art que l'on aperçoit par les portes entr'ouvertes nous confirmeraient dans cette impression quand bien même nous ne saurions pas que cette maison est habitée par Monsieur d'Aulnay, un des hommes les plus marquants parmi les quelques familles appartenant à la vieille noblesse française qui étaient restées dans les principales villes du Canada après que leur pays eut passé sous une domination étrangère.