À six heures, le capitaine nous fait éveiller, car nous arrivons une heure plus tôt qu'il ne l'avait prévu, et quand je monte sur le pont, nous sommes déjà en rade. Je suis un peu désappointée de cette première vue d'Afrique. À peine quelques minarets, de grandes maisons blanches et roses, quelques palmiers, des moulins à vent, le ciel pâle et délicat : peu d'éclat et d'effet. Le navire s'arrête, et nous sommes assaillis par une vraie horde de sauvages, dont les barques nous entourent depuis un moment. Je n'avais rien imaginé de pareil à cette foule d'hommes, agiles comme des chats, dans les costumes les plus variés, grimpant les uns sur les autres, criant, hurlant, escaladant par les cordages, par le bord, puis s'emparant de tout ce qu'ils trouvent. La confusion est inouïe, et nos bagages étant un peu à fond de cale, nous avons le temps de jouir de la presse des autres. Nous avons grand'peine à les réunir et à les faire mettre sur une seule barque après nombre de virements périlleux. Un vieux patriarche, à turban blanc, avec une robe bleue, gilet et pantoufles jaunes, une longue barbe grise et une canne à la main, s'empare de la botte à chapeau et ne veut plus la quitter ; les malles, descendent, je ne sais comme, sur la tête, sous la tête de plusieurs grands diables nègres vêtus de chemises blanches. Enfin tout est placé, et nous suivons le patriarche dans la barquette qui va nous mener à terre. Notre homme, qui tient toujours la boîte à chapeau, nous raconte, tout en hélant les nombreuses barques qui nous croisent, qu'il est pur Arabe, que sa généalogie remonte à Moïse qui a traversé la Mer-Rouge, et puis aux Pharaons. Mais nous voici à la douane, où nous sommes presque mis en pièces par les employés, les porteurs, les douaniers, les mendiants. On nous tire de droite, de gauche : le patriarche, qui devait tout aplanir de sa grande autorité, n'est bon à rien. Enfin on nous laisse passer.
Journal de voyage en Égypte - Blanche LEE CHILDE
TABLE DES MATIERES
Livre 1 : Alexandrie et le Caire.
Livre 2 : La Haute-Egypte.
{Editions altifagiennes}