Cette préface n'est point à la mode, l'auteur ne se fait pas illusion ; d'abord elle est écrite par lui-même, tort grave dans lequel on ne tombe plus ; ensuite elle n'est pas plus longue que l'ouvrage : elle n'est pas meilleure non plus, et ne prouve pas qu'il est excellent ; elle n'est point menaçante, et n'annonce pas une demi-douzaine de livres dans le même genre que l'on se propose de publier incessamment ; elle n'insulte aucun gouvernement, ni passé, ni présent, ni futur ; elle ne classe pas le mérite des auteurs contemporains, en immolant tout ce qui a eu du succès jusqu'à nos jours. L'auteur n'y prouve pas que ses amis seuls savent écrire, qu'eux seuls ont de l'originalité et du génie : ce n'est pas qu'il manque d'amis spirituels et qu'il ne soit fier de leurs talents, mais malheureusement ils se sont illustrés eux-mêmes par leurs vers sublimes, leur prose éloquente et poétique ; et leur célébrité est si grande, qu'on ne saurait pas plus prétendre à établir leur réputation qu'à y ajouter.
Le grand charlatanisme des noms propres ne sera donc pas l'intérêt de cette préface ; il n'y aura pas même l'éloge de ceux qui en doivent rendre compte dans les journaux ; nulle vanité n'y est implorée ; on n'y flatte la haine d'aucun parti, la malveillance d'aucune coterie : c'est assez dire qu'elle sera insignifiante comme l'ouvrage.
Le but de cette préface n'est pas non plus de révéler une grande et sublime arrière-pensée philosophique qu'on a oublié de faire sentir dans l'ouvrage ; l'auteur n'a pas la prétention de faire école, d'inventer un style, de démontrer de grandes vérités morales, politiques ou littéraires ; il n'a rien voulu prouver, il n'a rien voulu peindre ; sa manière n'est pas un système, ses personnages ne sont pas des portraits.
Il n'a pas prétendu corriger la société ; il serait au contraire désolé qu'elle changeât, car elle lui plait telle qu'elle est, elle l'amuse, elle l'inspire, il chérit tous les ridicules qu'il découvre en elle, parce qu'ils le rassurent et l'autorisent à garder ceux qu'il a ; ridicules dont il rit lui-même avec bonhomie quand il les aperçoit.