Je suis la fille unique de Lord S. G., lieutenant général dans l'armée britannique et fus de bonne heure placée dans une pension renommée près de Portman square, où je devins bientôt un modèle accompli dans tous les arts et les études de mon âge. La danse, le dessin, la harpe, le piano, le luth m'étaient aussi familiers que les langues française, allemande et italienne. À seize ans, toutes les finesses de ces langues m'étaient connues, et j'avais fait une étude si constante de Milton, Shakespeare, Dryden, Pope, Voltaire, Racine, Molière, Corneille, Arioste, Casso Cafieri et autres auteurs célèbres français, anglais et italiens, que je pouvais citer leurs plus beaux passages aussi facilement que je pouvais nommer les constellations du ciel et les régions de toute la Terre. L'arithmétique, la géométrie, la botanique, l'histoire naturelle et les éléments de la chimie même n'avaient plus de secret pour moi.
À cet âge où les jeunes filles anglaises sont encore en bouton, j'étais déjà une femme parfaitement formée et une des plus belles qui aient jamais traversé la Manche. Que le lecteur s'imagine une jeune fille de moyenne taille, mince comme une sylphide, dont le cou, les bras, les mains égalaient en perfection, si elles ne les surpassaient pas, ceux de la Vénus de Médicis ; des seins blancs d'un contour adorable, fermes comme une pomme et brûlant d'un feu ardent de désirs ; qu'il se représente tout cela éclairé par deux yeux lumineux, plus bleus que l'azur du ciel, ombragés par des sourcils sombres et arqués, un nez qui descendait d'un front uni, des lèvres purpurines semblables à des pétales d'une rose nouvellement éclose et un menton fin et délicat finissait l'ovale de la figure, dont les joues rosées annonçaient la brillante santé. Des cheveux châtains, souples et brillants, tombaient en boucles, découvrant parfaitement le front élevé ; si à cela on ajoute un pied et une jambe, l'envie de toutes les femmes, on aura une légère idée de l'auteur de ces mémoires.