Le jeune docteur Martelac, les deux mains dans ses poches et les yeux fixés sur les pavés inégaux entre lesquels une pluie dorage venait de laisser des plaques deau jaunâtre, descendait une longue rue en pente comme il y a tant à Poitiers. Cette ville, dont une partie est sur une hauteur, est séparée des coteaux connus sous le nom de dunes, qui lentourent presque entièrement, par des faubourgs étalés sur les rives du Clain. Des rues, partant du plateau sur lequel sélèvent ses principaux édifices, vont aboutir aux boulevards qui longent la rivière et forment une ceinture trop souvent poussiéreuse à la vieille cité.
Robert Martelac marchait depuis dix minutes et atteignait une ruelle peu éclairée quand un jeune officier, venant dune rue opposée, se trouva subitement en face de lui, le regarda un instant avec hésitation et parut disposé à larrêter. La rue était déserte, étroite; les trottoirs attestaient plus dambition que despace, le ruisseau coulait encore lentement et reflétait les étoiles, à présent visibles dans le ciel redevenu clair.
Il était difficile aux deux jeunes gens de passer ensemble, à pied sec du moins; il fallait que lun des deux seffaçât contre le mur pour faire place à lautre. Mais le nouveau venu sétait carrément installé devant Robert et paraissait oublier lurbanité française au point de lui barrer le chemin. Le docteur, ayant levé les yeux,, parut étonné de cet arrêt imposé à sa promenade par un inconnu.
- Voulez-vous me faire place? demanda-t-il.
Celui à qui il sadressait était petit et mince. Son képi enfoncé sur ses yeux et les ténèbres de la rue, fort mal éclairée par de rares becs de gaz dont la lumière était énergiquement secouée par le vent, ne permettaient guère de distinguer ses traits. Il parut ne pas entendre cette parole, demeurant immobile devant Robert comme sil eût cherché à le reconnaître.
- Que demandez-vous? reprit ce dernier, non sans une certaine impatience.