Metella - George SAND

Chapitre 1.

Le comte de Buondelmonte, revenant d'un voyage de quelques journées aux environs de Florence, fut versé par la maladresse de son postillon, et tomba, sans se faire aucun mal, dans un fossé de plusieurs pieds de profondeur. La chaise de poste fut brisée, et le comte allait être forcé de gagner à pied le plus prochain relais, lorsqu'une calèche de voyage, qu'avait changé de chevaux peu après lui à la poste précédente, vint à passer. Les postillons des deux voitures entamèrent un dialogue d'exclamations qui aurait pu durer longtemps encore sans remédier à rien, si le voyageur de la calèche, ayant jeté un regard sur le comte, n'eût proposé le dénouement naturel à ces sortes d'accidents: il pria poliment Buondelmonte de monter dans sa voiture et de continuer avec lui son voyage. Le comte accepta sans répugnance, car les manières distinguées du voyageur rendaient au moins tolérable la perspective de passer plusieurs heures en tête-à-tête avec un inconnu.

Le voyageur se nommait Olivier; il était Genevois, fils unique, héritier d'une grande fortune. Il avait vingt ans et voyageait pour son instruction ou son plaisir. C'était un jeune homme blanc, frais et mince. Sa figure était charmante, et sa conversation, sans avoir un grand éclat, était fort au-dessus des banalités que le comte, encore un peu aigri intérieurement de sa mésaventure, s'attendait à échanger avec lui. La politesse, néanmoins, empêcha les deux voyageurs de se demander mutuellement leur nom.

Le comte, forcé de s'arrêter au premier relais pour y attendre ses gens, leur donner ses ordres et faire raccommoder sa chaise brisée, voulut prendre congé d'Olivier; mais celui-ci n'y consentit point. Il déclara qu'il attendrait à l'auberge que son compagnon improvisé eût réglé ses affaires, et qu'il ne repartirait qu'avec lui pour Florence. «Il m'est absolument indifférent, lui dit-il, d'arriver dans cette ville quelques heures plus tard; aucune obligation ne m'appelle impérieusement dans un lieu ou dans un autre. Je vais, si vous me le permettez, faire préparer le dîner pour nous deux. Vos gens viendront vous parler ici, et nous pourrons repartir dans deux ou trois heures, afin d'être à Florence demain matin.»

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{Editions altifagiennes}