Le Berry - George SAND

Chapitre 1 : Moeurs et coutumes.

On m'a fait l'honneur ou plutôt l'amitié de me dire quelquefois (car l'amitié seule peut trouver de pareilles comparaisons) que j'avais été le Walter Scott du Berry. Plût à Dieu que je fusse le Walter Scott de n'importe quelle localité! Je consentirais à être celui de Quimper-Corentin, pourvu que je pusse mériter la moitié du parallèle.--Mais ce n'est pas la faute du Berry, s'il n'a pas trouvé son Walter Scott. Toute province, explorée avec soin ou révélée à l'observation par une longue habitude, offre certainement d'amples sujets au chroniqueur, au peintre, au romancier, à l'archéologue. Il n'est point de paysage si humble, de bourgade si ignorée, de population si tranquille, que l'artiste n'y découvre ce qui échappe au regard du passant indifférent ou désoeuvré.

Le Berry n'est pas doué d'une nature éclatante. Ni le paysage ni l'habitant ne sautent aux yeux par le côté pittoresque, par le caractère tranché. C'est la patrie du calme et du sang-froid. Hommes et plantes, tout y est tranquille, patient, lent à mûrir. N'y allez chercher ni grands effets ni grandes passions. Vous n'y trouverez de drames ni dans les choses ni dans les êtres. Il n'y a là ni grands rochers, ni bruyantes cascades, ni sombres forêts, ni cavernes mystérieuses ... des brigands encore moins! Mais des travailleurs paisibles, des pastoures rêveuses, de grandes prairies désertes où rien n'interrompt, ni le jour ni la nuit, le chant monotone des insectes; des villes dont les moeurs sont stationnaires, des routes où, après le coucher du soleil, vous ne rencontrez pas une âme, des pâturages où les animaux passent au grand air la moitié de l'année, une langue correcte qui n'a d'inusité que son ancienneté, enfin tout un ensemble sérieux, triste ou riant, selon la nature du terrain, mais jamais disposé pour les grandes émotions ou les vives impressions extérieures. Peu de goût, et plutôt, en beaucoup d'endroits, une grande répugnance pour le progrès. La prudence est partout le caractère distinctif du paysan. En Berry, la prudence va jusqu'à la méfiance.

Le Berry offre, dans ces deux départements, des contrastes assez tranchés, sans sortir cependant du caractère général. Il y a là, comme dans toutes les étendues de pays un peu considérables, des landes, des terres fertiles, des endroits boisés, des espaces découverts et nus: partant, des différences dans les types d'habitants, dans leurs goûts, dans leurs usages.

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Le Berry - George SAND

  TABLE DES MATIERES

Chapitre 1 : Moeurs et coutumes.
Chapitre 2 : Les visions de la nuit dans les campagnes.
Chapitre 3 : Les tapissiers du Château de Boussac.
Chapitre 4 : Les bords de la Creuse.
Chapitre 5 : Gargilesse.


{Editions altifagiennes}