Madame Louise Ackermann intime - Louise READ

S'il est difficile de donner une juste idée des contemporains illustres dans l'intimité desquels on n'a pas pénétré, il l'est aussi d'en parler lorsqu'on les a approchés de très près, quand on a pu les apprécier et les admirer dans leur vie de chaque jour, quand on en a été aimé tendrement. On voudrait réussir à faire comprendre la noblesse, la droiture, la belle simplicité des rares êtres dont le grand talent n'était pas plus grand que leur bonté et la loyauté de leur caractère.

Chez Mme Louise Ackermann, une véhémente franchise s'alliait aux sentiments d'instinctive et naïve bienveillance de sa nature si en dehors. Ne le conçoit-on pas, d'ailleurs, en la lisant, et des accents aussi vibrants que les siens, exprimant la plus saisissante et désespérée pitié pour la destinée humaine qu'aucune littérature ait jamais réalisée, pouvaient-ils naître d'une âme faible et sans hardiesse ?

Contrairement à la généralité des poètes, ses vers ne sont pas des vers de jeunesse. Ils sont une tardive manifestation intellectuelle, le fruit d'une véritable douleur profondément ressentie.

Toute jeune pourtant elle s'était essayée à la versification, et, vers treize ou quatorze ans, fit une tragédie de la triste histoire de Marie Stuart, sujet de composition donné par son professeur. Elle se plaisait à en citer un vers, dans lequel sa pensée de plus tard se pressent déjà :

Pour mourir aujourd'hui la nature est trop belle !

Plusieurs de ses essais se sont trouvés conservés. L'un d'eux, intitulé Renoncement, est daté de Port-Royal-des-Champs, - où, dans son précoce enthousiasme pour Pascal, elle avait entraîné sa mère et ses soeurs et habité quelques mois, - et se termine ainsi :

Sacrifice... eh bien, soit ! tu seras consommé.
Après tout, si l'amour n'est qu'erreur et souffrance,
Un coeur peut être fier de n'avoir point aimé.

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Madame Louise Ackermann intime - Louise READ

{Editions altifagiennes}