La nouvelle espérance - Anna de NOAILLES

Première partie.

Chapitre 1.

Le matin était sec et craquant de froid. L'air glacé et contracté semblait souffrir, comme portant en soi de l'oppression, une fêlure. Le silence occupait les allées, s'y tenait mystérieusement ; il n'était pas l'absence de bruit, il était quelque chose lui-même.

Par instants le vent salubre et triste de la campagne d'hiver balayait ce coin de la Muette et de Passy, cette entrée provinciale du Bois de Boulogne.

Dans le beau décharnement du chemin, près d'une haie de buissons nus, deux femmes passaient, allaient et revenaient, parcourant et reprenant la même route, se plaisant là.

L'une d'elles semblait aspirer cet air de neige âprement, et se désaltérer de quelque grande soif profonde ; l'autre portait dans un regard lisse une âme plus étroite et plus plane.

Quoiqu'elles échangeassent des phrases commencées et sitôt comprises, et qu'elles eussent l'une avec l'autre l'aisance du silence et des distractions familières, on voyait qu'elles n'étaient pas du même sang.

La plus grande des deux, qui pouvait avoir vingt-trois ou vingt-quatre ans, et que l'autre appelait Sabine, était mince et longue avec un visage soyeux et pâle, des cheveux doux d'un noir lourd et des yeux obscurs, ardents et glissants, dont la nacre à l'entour des prunelles avait la couleur des lunes bleues. La chaleur des yeux de la jeune femme donnait à tout son corps un aspect tiède.

La jeune fille qui l'accompagnait et qui paraissait avoir vingt ans, était sa belle-soeur, Marie de Fontenay, la soeur de son mari.

Elle était jolie aussi ; elle avait un visage clair, des cheveux vifs, couleur de châtaignes, la bouche et le rire délicats. Son regard timide et simple dévoilait de la confusion.

Un peu lasses toutes deux de leur course rapide, elles s'assirent sur un banc et regardèrent devant elles.

Leur respiration faisait dans leurs voiles une buée légère. Elles regardaient complaisamment cette campagne de la Muette qu'elles aimaient.

Sur les pelouses mornes, les arbres dévastés, en forme de fourche, piquaient le ciel. D'étroites rosaces de plantes vives, semblables à de petites mâches, restaient collées, avec quelques herbes, à la terre nue et gelée.



***


La nouvelle espérance - Anna de NOAILLES

  TABLE DES MATIERES

Première partie.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.

Deuxième partie.
Chapitre 1.
Chapitre 2.

Troisième partie.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.


{Editions altifagiennes}