Poèmes - Madame de MONTANCLOS

À ma lampe.

Dans ta lumière vacillante,
Ô ma lampe! quelle leçon!
Je suis aussi faible, tremblante,
De la mort je sens le frisson....
Comme toi je vais donc m'éteindre
Faute d'un utile secours?
Mais ton sort est bien moins à plaindre,
On te ranime tous les jours.

Demain on te rendra la vie
Pour éclairer les ris, les jeux;
Demain, si la mienne est finie,
Je disparais à tous les yeux.
Mais à ma demeure dernière
On peut dire en me conduisant,
Le malheur ouvrit la barrière
Qui la séparait du néant.

L'Amour, en voulant ma naissance,
Avait, dit-on, formé mes traits;
Et les Muses, dès mon enfance,
Daignaient m'accorder leurs bienfaits
Amante aimée, heureuse épouse,
Tout faisait envier mon sort;
Mais la fortune fut jalouse:
Le bonheur pour elle est un tort.

Bientôt disparut à ma vue
Le mortel si cher à mon coeur;
Quand la foudre perce la nue,
On voit tomber le voyageur.
Ainsi je restais sur la terre
Sans appui, même sans espoir;
Veuve à jamais et triste mère,
J'eus le courage du devoir.

Remplir sa pénible carrière
En s'effrayant sur l'avenir;
N'oser regarder en arrière,
Craignant l'effet du souvenir;
Voir les besoins toujours renaître
Et les moyens s'évanouir,
Qui pourrait, hélas! être maître
De ne pas dire.... Il faut mourir!

Eh bien! sois mon flambeau funèbre
Lampe, témoin de mes douleurs:
Tu peux un jour être célèbre
Par le récit de mes malheurs.
Fais que sur ma tombe paisible
Les humains jettent quelques fleurs
  Dis-leur que mon ombre sensible
  Bénit qui lui donne des pleurs.

***


Poèmes - Madame de MONTANCLOS

  TABLE DES MATIERES

À ma lampe.
À mes vers.
À un Satyrique.
Aveu.
Chant d'un pêcheur.
Épître à un professeur aimable.
L'attente inutile.
Les adieux sous le saule pleureur.
L'honneur en danger.
Stances sur Versailles.


{Editions altifagiennes}