Le mors aux dents - Henry GREVILLE

Chapitre 1.

Hauts de plafond, somptueusement meublés, peuplés de tableaux illustres chèrement disputés dans les ventes les plus célèbres de l'hôtel Drouot, les salons de Maxand Louvelot se désemplissaient sans trop de hâte. L'intermède musical venait de se terminer, les artistes s'étaient retirés, et les hommes s'esquivaient discrètement. Dans le premier salon, on entendait déjà, chaque fois que la porte s'ouvrait pour laisser sortir quelqu'un, les explications à haute voix de ceux qui réclamaient leur paletot, affranchis des bienséances sévères pour avoir fait un salut et tourné les talons.

Au fond du troisième salon, à l'entrée de la salle de concert, Maxand Louvelot, lui-même, distribuait des sourires et des poignées de main à tout ce monde d'amis plus ou moins sincères, et d'envieux non patentés, mais néanmoins garantis, qui ne manquent jamais à une soirée de contrat. La grandeur du financier lui assurait en une telle circonstance l'assemblée la plus brillante qui se puisse réunir, dans un milieu où tout est éblouissant.

Les femmes décolletées, traînant derrière elles, avec grâce ou pesanteur, suivant leur nature, les plis de leurs jupes de brocart, s'attardaient autour des tables où s'étalaient les présents faits à la fiancée. Elles se penchaient, pour les examiner curieusement, sur les écrins où étincelaient les diamants irréprochables, sur les perles, qui dissimulaient leurs moelleuses rondeurs entre des rainures de velours bleu, sur les dentelles pliées avec une fausse modestie dans les boîtes de santal, capitonnées de satin aux couleurs tendres, et parfumées d'essences rares.

Les amies, jeunes et vieilles, celles-ci avec l'air protecteur des femmes qui ont vu mieux que cela, les autres avec la pointe de sarcasme sous-entendu que fournit la jalousie bien aiguisée, approuvaient les bijoux et les dentelles, réservant pour la fin le dernier mot, qui, sans paraître y prendre garde, détruisait l'éloge élégamment formulé.

D'un air ennuyé, les maris se tenaient debout, changeant de pied de temps à autre, et causaient à bâtons rompus, sans chaleur et sans conviction, dissimulant avec politesse un bâillement derrière leur chapeau de soirée, et attendaient que les femmes eussent fini d'inventorier la corbeille ; peu à peu, par couples ou par groupes, les attardés finirent par se rencontrer dans le dernier salon.

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Le mors aux dents - Henry GREVILLE

  TABLE DES MATIERES

Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.
Chapitre 11.
Chapitre 12.
Chapitre 13.
Chapitre 14.
Chapitre 15.
Chapitre 16.
Chapitre 17.
Chapitre 18.
Chapitre 19.
Chapitre 20.
Chapitre 21.
Chapitre 22.
Chapitre 23.
Chapitre 24.
Chapitre 25.
Chapitre 26.
Chapitre 27.


{Editions altifagiennes}