Vieilles gens et vieilles choses - Amélie GEX

La mort de Lallo.

Chapitre 1.

Oh ! qu'il y a longtemps que cette histoire est arrivée ! Qu'il y a longtemps que je la garde silencieusement en mon souvenir, ainsi que l'on conserve l'impression d'une grande terreur ou d'une grande souffrance !

Nous étions bien petits alors, nous, les bambins du Chaffard ! Gais et lestes comme une bande de moineaux pillards, nous courions de ci, de là, dès le matin, par les bois, les champs et les prés, égrenant à tous les vents nos rires joyeux, humant à pleine poitrine l'air âcre et frais de la montagne, cet air de Savoie qui sent si bon !

Nous étions bien petits quand mourut le pauvre Lallò ! Lallò, notre guide, notre conseiller, notre soutien ! Lallò qui résumait en lui toute la force, tout le courage et toute la bonté que nous pouvions concevoir !...

Je ne sais trop pourquoi il me prend aujourd'hui fantaisie de vous conter ce lugubre drame, pourquoi mon esprit s'est arrêté sur ce terrible souvenir ; mais ce que je puis dire, c'est qu'il a tant de fois occupé mes songes et mes rêveries qu'il me sera facile de vous le retracer vrai, simple, horrible, comme je l'ai vu, comme il s'est passé.

De Sainte-Ombre à Chacuzard, nul garçon ne fut jamais si beau, si doux, si fort que Lallò. Il était l'idole de toutes les mères de notre commune et la pensée intime de toutes les jeunes filles. À dix-neuf ans, il avait encore sa chevelure noire bouclée, comme celle des petits anges que l'on voyait aux quatre coins de l'autel de la paroisse. Sous sa veste de serge, ses guêtres grises, son gilet à carreaux bruns et rouges, il donnait des distractions même à la prieure de la confrérie des filles, Mlle Mion, la nièce de Mme Sadoux, notre voisine à l'église.

Lallò était savant : il savait lire dans tous les livres ; il aurait certainement pu déchiffrer les pattes de mouche de M. Ritton, le notaire, ou les barres entremêlées de M. Michalet, le maître d'école. Il écrivait aussi quelquefois, le dimanche, sur une belle ardoise qu'il avait polie lui-même, et Mme Tissot, la regrattière (buraliste) avait eu recours à lui pour régler un compte où personne n'avait rien compris jusque-là.

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Vieilles gens et vieilles choses - Amélie GEX

  TABLE DES MATIERES

La mort de Lallo.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 9.
Chapitre 10.
Chapitre 11.
Chapitre 12.
Chapitre 13.
Chapitre 14.
Chapitre 15.
Chapitre 16.

Ma vie de bohème.

Un coin du vieux Chambéry : La maison Panissot.
Chapitre 1.
Chapitre 2.

La Marie-aux-pieds-brûlés.
Chapitre 1 : Où le lecteur fait connaissance de Marie Friquette et de ses défauts.
Chapitre 2 : Les sept écus de Catheline la Bardasse.
Chapitre 3 : Comment Marie Friquette passa la nuit de Noël.
Chapitre 4 : S'il faut des soins..., pas trop n'en faut...
Chapitre 5 : Ce que l'on apprend en cassant l'oeuf d'une poule noire.
Chapitre 6 : Comment saint Jean-le-Vieux perdit une messe et Gaspard-des-Embrunes son latin.
Chapitre 7 : Ce qui arriva chez la Bardasse la septième nuit après la mort de Friquette.
Chapitre 8 : Comment monsieur le notaire Jean Thibaut, devenu veuf, fut assailli d'humeur noire.
Chapitre 9 : Bonum vinum laetifiat cor hominis.
Chapitre 10 : La fugue de Rustique.
Chapitre 11 : Comment maître Thibaut trouva un secours inespéré.
Chapitre 12 : Où maître Jean fait une nouvelle connaissance.
Chapitre 13 : Comment maître Jean trouva tout de suite ce qu'il n'avait pas encore cherché.
Chapitre 14 : Le trouble et les angoisses de maître Jean Thibaut.
Chapitre 15 : Comment maître Jean Thibaut reste vertueux malgré lui.
Chapitre 16 : Comment Marie Vignolet paie sa dette.
Chapitre 17 : Le rendez-vous de Friquette.
Chapitre 18 : Comment un brave homme peut se trouver dans la peau d'un fripon.

La ferrure de la Maurise.


{Editions altifagiennes}