En congé - Zénaïde FLEURIOT

Chapitre 1 : Mes bonnes résolutions. La mer ! Mes premiers essais de natation.

Être en congé, quel bonheur ! J'y suis, quelle chance ! Je l'écris, que c'est drôle !

À douze ans on n'écrit guère sa vie. Pour dire vrai, on a bien assez de gratter le papier, et quand la classe et l'étude se ferment, on met plus volontiers des billes qu'un porte-plume entre ses doigts. Pour moi, qui galope une demi-heure dans notre cour uniquement pour le plaisir de galoper ; pour moi, qui n'ai encore pour l'étude qu'une profonde estime, je suis tout étonné de me voir barbouiller du papier le second jour de mes vacances.

Cette singulière idée m'est venue hier. On distribuait les prix à Louis-le-Grand, et j'ai si peu travaillé cette année, mais si peu, que ce grand jour me laissait froid. Cependant, quand je me suis trouvé devant l'estrade, il m'est venu je ne sais quel remords, et quand on a prononcé les mots : classe de sixième, je me serais volontiers arraché quelques cheveux.

Je n'étais pas complètement absent de la scène, mon nom se prononçait aux accessits ; mais les accessits vous font jouer un rôle de fantôme : c'est d'un invisible que l'on semble parler.

Mon cousin Edmond a remporté tous les prix. Un moment je me suis détourné et, par une éclaircie, j'ai aperçu le banc des parents, et au premier rang ma mère et celle d'Edmond. La mère d'Edmond pleurait de joie, la mienne avait une physionomie souffrante. Quelque chose s'est remué sous mon gilet, et si je n'avais pas été entouré de mes camarades, j'aurais pleuré, je crois. Ainsi j'aurais pu donner à ma mère une joie pareille à celle qui resplendissait sur le visage de ma tante, et je ne l'ai pas voulu ; pas voulu, car enfin Edmond est un fort, grâce à son travail surtout, et notre professeur m'a dit cent fois : « Robert, si vous vouliez ! »

Oui, si au commencement de l'année j'avais pensé ce que je pensais, si j'avais vu ce que je voyais, mon nom aurait retenti plus d'une fois comme lauréat, et ma mère aurait pleuré de joie.

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En congé - Zénaïde FLEURIOT

  TABLE DES MATIERES

Chapitre 1 : Mes bonnes résolutions. La mer ! Mes premiers essais de natation.
Chapitre 2 : Les conséquences d'une révolution. Mon coeur balance entre les Batignolles et la Bretagne.
Chapitre 3 : Les voyageurs. Le chat Griffard et son camarade Fidélio. Je fais acte de chef de famille.
Chapitre 4 : La composition d'un wagon de seconde classe. Griffard fait sensation. Maudits bavards !
Chapitre 5 : Mes premières impressions. L'équipage du père Neptune. Voilà la mer ! Que c'est beau d'être bronzé !
Chapitre 6 : Bêtes et gens. Ma peur. Les crabes. Je brunis.
Chapitre 7 : Encore les bêtes ! Ricoco. Le vaillant Krack. Le chasseur de souris. Nos fortifications de sable. Notre bastion.
Chapitre 8 : Ce que devient ce qu'on bâtit sur le sable. Les pauvres indépendants. Paysages et dissertations.
Chapitre 9 : Le philosophe des flaques. Fidélio est héroïque. Je me lance dans les descriptions.
Chapitre 10 : Une énigme. Mauvaise conduite de Griffard. Projets de travail. La marchande. La première leçon de géographie.
Chapitre 11 : Neptune sacristain. Un poulain sentimental. Le nid de squale. Mignonnette touriste.
Chapitre 12 : Dans l'antique jusqu'au cou. Salut à César et à ses légions.
Chapitre 13 : Le tumulus de Gavr'inis. Encore César. Un mastodonte du règne minéral. Ma théorie du flot diluvien.
Chapitre 14 : Le plancher des vaches. Les pierres de Carnac. Terrible drame.
Chapitre 15 : Nous pardonnons à Neptune. L'orage. Le sinistre.
Chapitre 16 : Le naufrage. Je deviens couleur d'acajou. La tuile.
Chapitre 17 : Les caprices de Louis. Obéliscale. Le cabinet de toilette de Piérik. La fête. Je collectionne.
Chapitre 18 : Mon herbier. Un souffleur. Le serpent. Nouvelles découvertes. À Lorient. Le grand homme.
Chapitre 19 : Le ver tout seul et l'autre. L'épreuve. Le cheval marin. Délivrés !
Chapitre 20 : L'accident. Mon secrétaire. Mes visites. Post-scriptum.


{Editions altifagiennes}