Nouvelles - Comtesse DASH

La confidence maternelle.

Tu viens de me quitter, ma fille chérie ; j'entends encore le bruit de la voiture qui t'emmène, et si l'assurance de ton bonheur ne me consolait un peu de ta perte, je ne sais où je trouverais de la force pour la supporter. Depuis ta naissance, tu fus ma compagne fidèle ; en te voyant grandir, embellir sous mes yeux, j'oubliais les chagrins de ma vie, et je ne songeais plus qu'à en préserver la tienne : j'espère avoir réussi. Le mari que je t'ai donné a été choisi par toi, tu l'as trouvé digne de remplacer ta mère, il t'aimera, et tu seras heureuse près de lui, c'est mon voeu le plus cher, car je n'en forme plus que pour toi. Je t'ai promis de t'envoyer cette relation si longtemps désirée des aventures de ma jeunesse. Jamais tu n'aurais connu mes erreurs, si je ne regardais ce pénible récit comme un préservatif pour la suite de ton existence. Il me sera bien cruel de t'avouer que j'ai été coupable, je m'expose à perdre ton estime ; mais, de grâce, mon enfant bien-aimée, ne me juge pas avant de m'entendre. J'expie par des souffrances sans fin l'erreur d'un moment, je crois qu'on ne peut plus me la reprocher, toi surtout, que j'élevai dans les principes de la morale la plus pure, toi à qui j'ai appris l'indulgence en même temps que la vertu ; c'est le moment de mettre tes principes à exécution. Je compte sur ton coeur pour excuser le mien. Il me semble que les larmes que je vais répandre en rouvrant une blessure si peu cicatrisée, seront purifiées par celles que me cause la douleur maternelle ; dans un autre moment je n'en aurais pas le courage. Écoute donc, et profite.

« Je fus élevée par mon père comme il aurait élevé son fils, si le ciel lui en avait accordé un. Seule espérance d'une illustre maison, on m'entoura d'abord de tous les soins de l'amour paternel, et plus tard de tous les calculs de l'ambition. On reconnut de bonne heure chez moi une tête ardente, une grande sensibilité et une imagination vive et déraisonnable. Mes parents, au lieu de chercher à calmer ces funestes dispositions, se contentèrent d'en retarder le développement, mon caractère fut contraint, et non pas rompu. On me retint dans l'enfance le plus longtemps possible ; à seize ans on me traitait encore comme une petite fille.

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Nouvelles - Comtesse DASH

  TABLE DES MATIERES

La confidence maternelle.
Le panier de cerises.
Un mariage.
Adrien le Savoyard.
Trois rencontres.


{Editions altifagiennes}