Mémoires d'un mormon - Louis-Auguste BERTRAND

Avant-propos.

Ma vie a été passablement agitée et féconde en incidents romanesques. Je suis né à Marseille. Mon père, le meilleur des pères, croyant deviner en moi une vocation pour l'état ecclésiastique, m'avait placé sous la direction du fameux père Loriquet. C'est sous sa férule que j'ai appris le peu de grec et de latin que j'aie jamais su. Mais bientôt cette vocation donna des signes non équivoques d'indépendance. L'amour des lointains voyages me fit quitter de bonne heure le toit paternel. Dès l'âge de vingt ans, j'avais parcouru tous les coins et recoins de la mer Méditerranée. Après avoir résidé dans plusieurs des Antilles, ma destinée me poussa sur le continent voisin. Un premier séjour de sept ans aux États-Unis m'initia au mécanisme politique de l'oeuvre de Washington, aux tendances sociales des fils des premiers colons, à la pratique de la liberté la plus absolue et aux gigantesques progrès de la race anglo-saxonne sur ce nouvel hémisphère. Une excursion à Rio me fit assister au couronnement de Don Pedro 2, empereur actuel du Brésil, et je résidai plus d'un an dans ce pays. Dans ma pensée, l'inépuisable fécondité du sol et l'extrême variété de ses produits promettent à l'Amérique du sud un avenir plus brillant encore que celui de sa rivale du Nord. Je vins à Paris pour la première fois en 1842, et j'arrivai justement pour assister aux funérailles du duc d'Orléans. Parti de Bordeaux bientôt après pour un voyage commercial de quatre ans dans les mers de l'Inde, je poussai jusqu'en Chine, où je demeurai quatre mois. À mon retour à Paris, je publiai quelques pages de mon autobiographie sous ce titre : Épisodes de chasse au cap de Bonne-Espérance. S'il suffit de beaucoup voir pour beaucoup savoir, je dois donc avoir une certaine expérience des hommes et des choses. J'ai étudié de près plusieurs peuples, et il m'a été donné de contempler les plus grandes merveilles de la nature.

Après ces lointains voyages, l'amour de l'étude m'avait fixé à Paris. À cette époque les brûlantes questions posées par le socialisme attiraient mon attention, et je fréquentais le cercle catholique radical des disciples de M. Buchez. Le gouvernement de juillet, il faut lui rendre cette justice, laissait alors toutes les opinions, même les plus avancées, se manifester librement dans Paris. M. Cabet tenait régulièrement, dans les bureaux du Populaire, des séances publiques où il initiait ses disciples aux merveilles futures de l'Icarie. L'égalité la plus absolue devant la gamelle, tel était l'idéal que prêchait le souverain pontife du communisme.

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Mémoires d'un mormon - Louis-Auguste BERTRAND

  TABLE DES MATIERES

Avant-propos.
Chapitre 1 : Joseph Smith et le Livre de Mormon.
Chapitre 2 : De la fondation de l'Eglise à la nomination de Brigham Young aux fonctions de gouverneur d'Utah.
Chapitre 3 : Coup d'oeil général sur le territoire d'Utah. Expédition militaire contre l'Utah.
Chapitre 4 : Suite de l'expédition militaire. Départ des troupes d'Utah.
Chapitre 5 : Principaux dogmes.
Chapitre 6 : La polygamie ou mariage patriarcal.
Chapitre 7 : L'immigration.
Chapitre 8 : Notions sociales des Mormons.
Chapitre 9 : Mon séjour à la ville de Lac Salé. Mon retour en Europe. Situation des succursales de Suisse et de France.
Chapitre 10 : Conjectures des principaux publicistes français sur l'avenir politique des Mormons.
Conclusion.


{Editions altifagiennes}