Poésies fugitives - Fanny de BEAUHARNAIS

À un ami très importun.

Ces Bagatelles que vous appelez des Ouvrages, vous les voulez donc absolument ?... eh bien! soit. Mes refus avaient pourtant des motifs presque raisonnables. Les prières de l'amitié me décident : et voilà comme nous sommes, nous autres Femmes ! Vous en penserez tout ce qu'il vous plaira : mais, au moins, parlez-moi vrai, et dites-moi mes défauts ; car je me pique d'en avoir. Êtes-vous de ceux qui veulent des dissertations soutenues, des idées toutes de suite, de l'ensemble, de l'apprêt, un plan, de l'ordre enfin ? Je n'aime point l'ordre ; je n'entends rien à l'ensemble. Je pense une chose, et puis une autre ; je les place comme elles se présentent. Par hasard, elles s'arrangent; quelquefois, la réflexion vient : jamais les disparates ne manquent ; et, si vous étiez l'adorateur des phrases qui se tiennent, gardez-vous de me lire. Mais, à propos de quoi, s'il vous plaît, m'imposerait-on des obligations ? Faut-il, moi, que j'écrive sensément, comme ceux qui composent des in-folio pour la postérité ? Je n'irai point-là.

Loin de moi, les prétentions, la vanité. L'attrait, qui me commande, n'est pas le besoin des succès. Ai-je celui de la gloire ? je trouve la mienne dans mes sentiments. C'est par eux que je tiens à la vie : mon travail n'en est que l'amusement, et je ne l'en aime pas moins pour cela ; car, je suis Françoise et Femme. Encore une fois, vous me direz mes défauts, n'est - ce pas ? je l'exige : oui, Monsieur. Dussiez-vous en apercevoir à chaque ligne, je veux les savoir tous, et n'en pas corriger un. Le Ciel me préserve de la fantaisie du mieux ! je n'aurais plus que des regrets; et Dieu sait ce qui m'arriverait., si j'avais le malheur de le rencontrer ! il y a des gens qui ne me le pardonneraient pas; je les ai vus d'une colère terrible contre des Ouvrages charmants. Les miens ont, du moins, cela de bon; ils ne fâcheront personne. Si quelques sociétés ont bien voulu en dire un peu de mal, c'est par attention. C'était toujours une manière d'en parler. En fait d'esprit et de figure, le silence est, dit-on, l'injure qui nous blesse le plus. Tout est au mieux; vous le voyez, je le crois ; Voltaire a raison, et Candide aussi.

***


Poésies fugitives - Fanny de BEAUHARNAIS

  TABLE DES MATIERES

À un ami très importun.

Aux hommes.
À M. le Comte de ... partant pour l'Angleterre.
À Orosmane.
À la providence.
À Mademoiselle de S...
À la raison d'un homme qui n'en a point.
À la raison d'un homme qui en a.
Aux philosophes insouciants.
Réponse à des stances de M. le Chavalier de ...
À un irrésolu.
Réponse à l'épître sur l'amitié des femmes.
À l'amour.
Réponse à des vers de M***
Quatrain.
À la folie.
Portrait des Français.
Aux Turcs.
Aux Sauvages.
À M. le Maréchal de ...
Au chevalier de ...
Les charmes du cloître.
À M. le Maréchal de ...
Au Marquis de ...
Billet d'une bergère.
Au Comte d'H...
Regrets d'une bergère.
Romance.
Regrets du premier âge.
Aux femmes.
Romance faite à Erménonville.


{Editions altifagiennes}