Marie-Claire - Marguerite AUDOUX

Chapitre 1.

Un jour, il vint beaucoup de monde chez nous. Les hommes entraient comme dans une église, et les femmes faisaient le signe de la croix en sortant.

Je me glissai dans la chambre de mes parents, et je fus bien étonnée de voir que ma mère avait une grande bougie allumée près de son lit. Mon père se penchait sur le pied du lit, pour regarder ma mère, qui dormait les mains croisées sur sa poitrine.

Notre voisine, la mère Colas, nous garda tout le jour chez elle. À toutes les femmes qui sortaient de chez nous, elle disait :

- Vous savez, elle n'a pas voulu embrasser ses enfants.

Les femmes se mouchaient en nous regardant, et la mère Colas ajoutait :

- Ces maladies-là, ça rend méchant.

Les jours qui suivirent, nous avions des robes à larges carreaux blancs et noirs.

La mère Colas nous donnait à manger et nous envoyait jouer dans les champs. Ma soeur, qui était déjà grande, s'enfonçait dans les haies, grimpait aux arbres, fouillait dans les mares et revenait le soir les poches pleines de bêtes de toutes sortes qui me faisaient peur et mettaient la mère Colas bien en colère.

J'avais surtout une grande répugnance pour les vers de terre. Cette chose rouge et élastique me causait une horreur sans nom, et s'il m'arrivait d'en écraser un par mégarde, j'en ressentais de longs frissons de dégoût. Les jours où je souffrais de points de côté, la mère Colas défendait à ma soeur de s'éloigner. Mais ma soeur s'ennuyait et voulait quand même m'emmener. Alors, elle ramassait des vers, qu'elle laissait grouiller dans ses mains, en les approchant de ma figure. Aussitôt, je disais que je n'avais plus mal, et je me laissais traîner dans les champs.

Une fois, elle m'en jeta une grosse poignée sur ma robe. Je reculai si précipitamment que je tombai dans un chaudron d'eau chaude. La mère Colas se lamentait en me déshabillant. Je n'avais pas grand mal ; elle promit une bonne fessée à ma soeur, et comme les ramoneurs passaient devant chez nous, elle les appela pour l'emmener.

Ils entrèrent tous les trois avec leurs sacs et leurs cordes ; ma soeur criait et demandait pardon, et moi j'avais bien honte d'être toute nue.

***


Marie-Claire - Marguerite AUDOUX

  TABLE DES MATIERES

Première partie.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.
Chapitre 11.
Chapitre 12.
Chapitre 13.
Chapitre 14.
Chapitre 15.
Chapitre 16.
Chapitre 17.
Chapitre 18.
Chapitre 19.
Chapitre 20.
Chapitre 21.
Chapitre 22.
Chapitre 23.
Chapitre 24.
Chapitre 25.
Chapitre 26.
Chapitre 27.

Deuxième partie.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.
Chapitre 11.
Chapitre 12.
Chapitre 13.
Chapitre 14.
Chapitre 15.
Chapitre 16.
Chapitre 17.
Chapitre 18.
Chapitre 19.

Troisième partie.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.
Chapitre 11.
Chapitre 12.
Chapitre 13.
Chapitre 14.
Chapitre 15.
Chapitre 16.
Chapitre 17.
Chapitre 18.


{Editions altifagiennes}