Deux oiseaux pour une cage - Gabrielle d'ALTENHEIM

Chapitre 1.

C'était par un beau soleil du mois de mai, du mois des fleurs consacré à toutes les joies innocentes ; le printemps déployait ses trésors fugitifs et éparpillait ses bruits harmonieux ; un coeur brisé aurait éprouvé comme une renaissance indicible à contempler ces spectacles, à entendre ces sons, à respirer ces senteurs, à pénétrer ces mystères de la nature... Mais une belle jeune fille, blanche et rose, sans aucune préoccupation de l'avenir, sans aucun regret du passé, suspendait, en riant, une cage dorée au balcon de sa fenêtre. Dans cette cage était un oiseau, notre héros ou notre héroïne plutôt ; l'oiseau, au plumage jaune comme un champ de blé mûri, venait des Canaries et pouvait porter le nom de son pays natal sans orgueil nobiliaire ; nous l'appellerons Amée.

« Amée. disait la jeune fille, chantez un peu, chantez avec moi ! Mais l'oiseau ne chantait pas !

« Nobilissime Canari, vous êtes maussade aujourd'hui ! Vous avez cependant une cage toute neuve et d'or fin, comme un collier de châtelaine suzeraine ! Voilà de l'eau fraîche et limpide, puisée dans notre grand vivier aux poissons rouges ; voilà des grains de millet, un gâteau, du mouron, tout ce que vous aimez enfin ; je ne saurais rien ajouter à ce confortable parisien ! » Mais l'oiseau, toujours muet, se montrait insensible aux soins délicats de sa maîtresse, qui bientôt fatiguée d'une taciturnité inusitée, l'abandonna pour des occupations plus agréables.

À peine fut-il seul, notre oiseau des Canaries, que secouant ses ailes et déployant les trésors de son petit gosier, il en fit sortir ces gammes légères qui servent de prélude aux chants aériens des musiciens de l'air. Quelques minutes après cet appel, l'on vit accourir de loin un oiseau de même espère, plus grand, plus fier, plus beau.

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Deux oiseaux pour une cage - Gabrielle d'ALTENHEIM

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Chapitre 2.
Chapitre 3.


{Editions altifagiennes}